Amnesty International exige la libération de Babouri

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Le journaliste et chanteur Mahydine Mahamat Babouri a été enlevé le 30 septembre 2016 ; en pleine rue, à N’Djamena, par des « hommes enturbannés ». Il est accusé d’avoir posté une vidéo sur les réseaux sociaux critiquant la gestion familiale de la chose publique par le président Idriss Deby Itno et l’implication de la Première Dame dans les affaires de l’Etat.

Face au silence pesant sur Babouri, l’Amnesty international France a organisé à Paris une conférence-débat le jeudi 26 octobre 2017, sur «l’intensification de la répression de la société civile au Tchad» avec les défenseurs des droits humains, Saturnin Bemadjiel et Mahadjir Younous.

Le premier est journaliste à radio Fm Liberté à N’Djaména et militant au sein de l’Association pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Tchad (APLFT) et le second est leader syndical de l’Union des Syndicats du Tchad (UST), principale organisation syndicale au Tchad.

Au cours du débat, les différents intervenants ont exprimé leur regret face à la restriction des libertés, notamment l’incarcération des journalistes, des défenseurs des droits humains et l’interdiction de manifester imposée aux citoyens par le gouvernement.

Balkissa Ide Siddo qui est chargée de campagnes pour l’Afrique Centrale au sein d’Amnesty International à Dakar, par vidéoconférence, a expliqué les situations des droits de l’homme au Tchad. Il faut noter qu’elle a participé à écrire le rapport du 14 septembre 2017 : «Tchad: Entre récession et répression :

Le coût élevé de la dissidence au Tchad ». Delphine LECOUTRE, la coordinatrice Centrafrique, Tchad et Gabon pour Amnesty International France est aussi intervenue également. La Chargée de plaidoyer Libertés d’Amnesty, Katia Roux était également présente.

A travers son rapport d’Amnesty International, Balkissa Ide Siddo a rappelé quelques faits : en 2016, l’interdiction des marches, la loi pour réduire le droit de grève, l’interdiction de mouvements citoyens, l’aggravation de la surveillance.

Cette surveillance se réalise sur le terrain et sur internet. Il a suffi d’une vidéo postée sur Youtube pour que l’activiste Tadjadine Mahamat Babouri soit enfermé depuis le 30 septembre 2016.

L’Agence Nationale de la Sécurité (ANS) est responsable de plusieurs arrestations arbitraires sans cadre juridique, de tortures, de détentions secrètes. Saturnin Bemadjiel est revenu sur l’affaire de trafic d’armes vers la Syrie, qui a provoqué l’arrestation du journaliste Juda Allahondoum, directeur de publication de l’hebdomadaire « Le Visionnaire », le 23 octobre 2017.

Il avait cité la femme d’Idriss Déby. Selon Saturnin Bemadjiel, l’ANS est au-dessus des ministères et rend compte directement au chef de l’État. Selon lui, la surveillance en ces derniers temps est pire que sous Habré.

Mahadjir Younous  a décrit le contexte politique qui a entouré les atteintes aux droits humains, à partir de l’élection de 2016. Le manifeste contre un cinquième mandat qui avait provoqué l’arrestation de cinq personnalités de la société civile pendant un mois juste avant l’élection. Depuis, il y a eu également l’emprisonnement de Nadjo Kaïna. Le syndicaliste a souligné que le gouvernement français a demandé le 25 octobre au Togo de laisser la population manifester, mais ne se prononce pas sur l’interdiction totale de manifester au Tchad.

Katia Roux a indiqué qu’Amnesty demande un cadre législatif pour protéger les défenseurs des droits humains partout dans le monde, des protections des ambassades, et travaille pour le renforcement des capacités des organisations victimes de répression. Lors du débat, Mahadjir Younous a expliqué les raisons du durcissement.

Suite à l’inversion du résultat de la présidentielle, puisqu’Idriss Déby aurait dû perdre au second tour, il s’est senti rejeté par le peuple. Il constate que l’ANS va vers le style Habré. Le blogueur Makaila Nguebla a fait remarquer que Paris et l’Union européenne privilégie la lutte contre le terrorisme et invite Macron à mieux prendre en compte les droits humains.

Il souligne que Déby a peur des manifestations de rue. Un Tchadien pense que demander à Macron d’agir est un «leurre» parce que Déby est «sous le parapluie de l’impérialisme français».

Gali N’gothé Gatta, de passage à Paris, a  pris  la parole pour parler de l’éducation : «dans deux ans, il n’y aura plus d’écoles au Tchad, car le corps enseignant en primaire n’est pas payé depuis 40 mois». Deux ou 3 millions d’enfants mal scolarisés seront plus facilement attirés par le djihadisme. Il a souligné que le Tchad est dans les derniers des classements sur la corruption et la mauvaise gouvernance.

Il s’inquiète du fait que le PND a permis de camoufler la question de la dette du Tchad, dont le montant reste inconnu. Selon lui, si l’UE est le premier financier, elle a un droit de regard. Enfin, en tant qu’élu du peuple, il a attiré l’attention sur l’histoire des interventions militaires tchadiennes en Afrique sous Déby: les deux Congo, Côte d’Ivoire, Soudan, Togo, Centrafrique. Les Français considèrent comme essentielles les questions militaires au détriment du peuple. Katia Roux a conclu en disant : «face au rétrécissement des espaces dans la société», l’enjeu pour les autorités françaises est de ne pas se retrouver dans une situation de complicité. Amnesty dénonce donc le silence, qui ternit l’image, en attendant une réaction.

Mahamat Ngardoum Saleh

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