Extrait du rapport d’Amnesty sur la situation de droits de l’homme au Tchad (suite)

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…Le 7 août 2016, la police a utilisé des armes à feu pour disperser une manifestation pacifique organisée à N’Djamena afin d’empêcher la réélection d’Idriss Déby, tuant un jeune homme et faisant plusieurs blessés graves.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES – JOURNALISTES

Cette année encore, des journalistes ont été la cible de manœuvres d’intimidation et beaucoup ont été arrêtés de manière arbitraire et placés en détention pendant de courtes périodes parce qu’ils avaient exercé leur droit à la liberté d’expression. Le 28 mai, un présentateur d’une station de radio nationale a été interrogé par des agents de la Direction des renseignements généraux à la suite d’un lapsus sur le nom du président, qu’il avait appelé Hissène Habré au lieu d’Idriss Déby pendant une émission. Il a été libéré sept heures plus tard et suspendu de cette émission. Le 30 août, Stéphane Mbaïrabé Ouaye, directeur de la publication du journal.

Le Haut Parleur, a été arrêté, interrogé par des agents de la Direction des renseignements généraux et inculpé de « tentative d’escroquerie et chantage » après s’être entretenu avec le directeur de l’hôpital Mère-Enfant de N’Djamena au sujet d’allégations de corruption. Relaxé, il a été libéré le 22 septembre. Le 9 septembre, Saturnin Bemadjiel, un journaliste de la station de radio FM Liberté, a été arrêté pendant qu’il couvrait une manifestation, alors même qu’il était en possession de sa carte de presse. Il a été interrogé au commissariat central et libéré au bout de quatre heures.

DISPARITIONS FORCÉES

Le 9 avril, au moins 64 militaires ont été victimes de disparition forcée après avoir refusé de voter pour le président sortant. Des témoins ont expliqué que les forces de sécurité avaient identifié les militaires soutenant des candidats de l’opposition, leur avaient fait subir des mauvais traitements dans les bureaux de vote et les avaient enlevé, avant de les torturer dans des centres de détention aussi bien officiels qu’officieux. Quarante-neuf de ces militaires ont été libérés mais, à la fin de l’année, on ignorait toujours ce qu’il é tait advenu des 15 autres. Sous la pression de la communauté internationale, le procureur de la République a ouvert une enquête concernant cinq de ces militaires, mais l’affaire a été classée sans suite après leur libération. Aucune enquête n’a été menée sur les allégations de torture et les autres disparitions.

RÉFUGIÉS ET PERSONNES DÉPLACÉES

Plus de 389 000 réfugiés venus de République centrafricaine, du Nigeria et du Soudan vivaient toujours dans des camps, où les conditions étaient déplorables. Les attaques et les menaces de Boko Haram, ainsi que les opérations de sécurité de l’armée tchadienne, ont entraîné le déplacement à l’intérieur du pays de 105 000 personnes, ainsi que le retour dans le bassin du lac Tchad de 12 000 autres qui avaient trouvé refuge au Nigeria et au Niger. La dégradation des conditions de sécurité dans les zones frontalières proches du lac Tchad à partir de la fin du mois de juillet a eu des répercussions sur l’accès à l’aide humanitaire et la protection des populations en danger. Les personnes déplacées dans la région du lac Tchad vivaient dans des conditions déplorables et n’avaient qu’un accès extrêmement limité à l’eau et à des installations sanitaires, en particulier à Bol, Liwa et Ngouboua, près de Baga Sola.

DROIT À UN NIVEAU DE VIE SUFFISANT, À L’ÉDUCATION ET À LA JUSTICE

Cette année encore, la population de la région du lac Tchad a tenté d’échapper à l’escalade de la violence, qui a perturbé l’agriculture, le commerce et la pêche, avec de lourdes conséquences économiques et sociales. L’instabilité n’a fait qu’exacerber l’insécurité alimentaire.

En septembre, l’ONU a estimé à 3,8 millions le nombre de personnes vivant dans l’insécurité 444 Amnesty International — Rapport 2016/17 alimentaire, dont un million au-delà du seuil de crise ou d’urgence.

Les retards dans le versement des salaires ont déclenché des grèves régulières dans le secteur public, ce qui a restreint l’accès à l’éducation et à la justice.

En août, l’État a adopté 16 réformes d’urgence destinées à endiguer la crise économique liée à la chute des cours du pétrole ; il a en particulier supprimé les bourses qui permettaient aux étudiants des zones rurales de poursuivre leurs études. En réaction, des étudiants ont organisé des manifestations – certaines pacifiques, d’autres violentes – dans les principales villes du pays, notamment à N’Djamena, Sarh, Pala et Bongor.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

Bien que le droit national dispose que chaque personne, en couple ou non, doit pouvoir décider librement d’avoir ou non des enfants, du moment où ils sont conçus, de leur nombre et de l’intervalle entre les naissances, gérer sa santé reproductive et avoir accès à l’information et aux moyens nécessaires pour ce faire, de nombreuses personnes ne bénéficiaient d’aucun renseignement ni soin en la matière, en particulier dans les zones rurales. Le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) estimait que seules 3 % des femmes utilisaient un moyen de contraception. Selon les chiffres de 2014 de l’Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques (INSEED), seules 5 % des femmes mariées avaient recours à des moyens de contraception modernes. En décembre, l’Assemblée nationale a adopté une réforme du Code pénal portant de 16 à 18 ans l’âge légal du mariage pour les filles.

JUSTICE INTERNATIONALE

Le 30 mai, l’ancien président Hissène Habré a été condamné à la réclusion à perpétuité par les CAE, une juridiction créée dans le cadre d’un accord entre l’Union africaine et le Sénégal. Il a été déclaré coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture commis au Tchad entre 1982 et 1990.

Ses avocats ont interjeté appel. Le 29 juillet, les CAE ont accordé 20 millions de francs CFA (33 880 dollars des États-Unis) à chacune des victimes de viols répétés et d’esclavage sexuel, 15 millions de francs CFA (25 410 dollars) à chacune des victimes de détention arbitraire et d’actes de torture, ainsi qu’à chacun des prisonniers de guerre et rescapés de massacres, et 10 millions de francs CFA (16 935 dollars) à chacune des victimes indirectes.

 

 

 

 

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